Ouganda

Les armées ougandaises : un instrument de contrôle intérieur et de positionnement régional – Décembre 2014

Ouganda Adapt 2010 (communs wikimedia)Ouganda Adapt 2010 (communs wikimedia)

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  • L’Uganda People’s Defence Force (UPDF) entretient des liens symbiotiques avec le parti au pouvoir du Président Museveni, le National Revolutionary Movement (NRM). Ceci s’explique par le passé de lutte commune ; l’UPDF étant l’héritière de la National Revolutionary Army (NRA) avec laquelle l’actuel président saisit le pouvoir en 1986.
  • Constituant le bras armé du nouveau régime dans une société segmentée entre le Nord et le Sud du pays, l’UPDF s’est engagée contre tous les ennemis de l’État NRM, qu’il s’agisse des rébellions du Nord et de l’Est du pays ou des États adversaires que sont le Soudan du Président El Bechir et la RDC de la dynastie Kabila. L’UPDF s’est progres­sivement transformée en une puissance militaire à vocation régionale, capable d’intervenir loin de ses bases, tout en mettant le régime ougandais à l’abri d’un renversement par les armes.
  • Toutefois, avec le changement de génération d’officiers et de cadres au sein de l’UPDF, se pose la question de la permanence de la fidélité au régime. En effet, les nouveaux venus n’ont pas connu l’épopée de la révolution ou la guerre avec la RDC. La transformation de l’ancienne guérilla révolutionnaire maoïste en une force interarmées capable d’assurer la défense des intérêts régionaux du pays implique des financements sur lesquels le régime ne peut faire l’impasse.
  • La fidélisation de l’institution militaire est engagée depuis 2004 avec le financement d’un « processus transformationnel » fondé sur une modernisation des équipements et une professionnalisation des personnels.
  • La modernisation est garantie par l’accès de l’UPDF aux ressources pétrolières et gazières en cours de développement, tandis que la professionnalisation est assurée par des « opérations de maintien de la paix » dirigées contre la LRA et les islamistes Shebabs, donc activement soutenue par des alliés extérieurs occidentaux.
  • En retour, l’accélération donnée aux activités d’extraction et d’exploitation pétrolière a entraîné une militarisation de certaines régions ougandaises en vue d’assurer leur sécurité (Lac Albert) ; donc raffermi encore plus le contrôle de l’UPDF sur le pays.
  • Au niveau régional, les nouvelles capacités aériennes et d’intervention ougandaises confèrent un leadership incontestable à Kampala dans les organisations régionales (IGAD et EASF) et en font un interlocuteur incontournable sur les questions de sécurité (soutien au Sud-Soudan du président KIIR). La nouvelle puissance militaire ougandaise contribue même à engager une course régionale aux armements avec le Soudan et commence à susciter la méfiance d’un pays allié comme le Kenya.

En conclusion, le NRM dispose d’une réelle garantie de longévité interne et le Président Museveni d’un prestige international qui le font courtiser par de nombreux pays émergents (Chine, Russie, Indonésie, Turquie, Corée du Nord) en mesure de remplacer une alliance avec les Occidentaux, le cas échéant. L’UPDF en tire un bénéfice direct avec des budgets de défense maintenus à 2% du PIBM et des ressources économiques profitables pour les cadres et la haute hiérarchie militaire.

Militaries and Security Provisioning in Africa: an appreciation of Kenya, Uganda and Rwanda – Novembre 2013

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AFP SIMON MAINA - Source : sudouest.fr© Photo AFP SIMON MAINA - Source : sudouest.fr

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Cette note analyse la capacité de trois Etats de l’Afrique de l’Est à assurer la sécurité au plan national et régional. Il répond à trois principales questions ; sur les différents modes et systèmes sécuritaires des armées kenyane, ougandaise et rwandaise, sur les capacités de ces Etats de l’Afrique de l’Est à maitriser les importantes menaces internes et régionales auxquelles ils font face, sur les probables possibilités de maitriser la géographie changeante, au fil du temps, de ces menaces.

Cette note souligne que le rôle en évolution, mais différent, des forces militaires dans la région s’inscrit dans des cultures militaires respectives c’est aussi en fonction des croyances et des comportements inspirés par la notion de volonté générale et d’esprit public. La volonté des élites dirigeantes de définir et de sécuriser les objets sécuritaires, au-delà des intérêts des régimes, facilite l’innovation dans la procédure sécuritaire, ce qui permet la connexion entre les cultures militaires et l’évolution de la pensée stratégique. De cette nouvelle donne résulte une flexibilité stratégique qui permet une marge de manœuvre plus grande pour maitriser les menaces sécuritaires. Le contraire entraine l’insécurité avec de multiples identités sous-cultures militaires négatives. Cette note essaye également de contextualiser les défis auxquels la sécurité de ces Etats fait face avec la découverte de ressources stratégiques entre d’une part la structure étatique verticale et d’une autre part les menaces asymétriques changeantes.

L’évolution du régime Museveni en Ouganda (1986-2012) – Juin 2012

Russell Watkins/Department for International DevelopmentRussell Watkins/Department for International Development

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Il y a 27 ans, à la tête du Mouvement national de la résistance (NRM), le Président Yoweri Museveni a pris le pouvoir en Ouganda, renversant le gouvernement Obote après un combat de cinq ans (1981-1986). Le premier gouvernement Obote avait pris fin suite au coup d’état militaire du Général Idi Amin Dada en 1971. En 1980, Obote était revenu au pouvoir au travers d’élections que Museveni et ses alliés considéraient comme frauduleuses. Dans ce contexte, le NRM est arrivé au pouvoir en promettant un nouveau commencement, un complet revirement par rapport à la politique de sectarisme et d’exclusion, à la fraude électorale et à la manipulation d’un public ignorant des manœuvres de politiciens servant leurs propres intérêts. Le choix d’une politique inclusive s’est manifesté dans la décision de suspendre les partis politiques responsables de divisions et d’introduire l’idée de « politique sans partis », en invitant les membres d’organisations politiques rivales à participer au gouvernement. Par ce biais, durant les dix premières années du gouvernement Museveni, ce dernier parvint à unifier la plupart des régions du pays sur la base d’un vaste programme socio-économique de reconstruction. Bien que les revendications concernant le retour au multipartisme débutèrent mi-1990 et s’intensifièrent à la fin de la décennie, il fallut 20 ans pour briser le monopole de facto et de jure du NRM, au moins sur le plan juridique, grâce à la combinaison de pressions internes et externes. La décision de réintroduire les partis politiques fut prise au même moment que des manœuvres furent entreprises pour rendre la durée du mandat présidentiel illimité afin de permettre au Président Museveni de continuer à se présenter aux élections.

L’aboutissement de ces 20 années de suspension du multipartisme fut d’affaiblir les partis. Ainsi, lorsque les restrictions sur leurs activités furent levées en 2005, ces derniers n’étaient pas en mesure de concourir à égalité avec le NRM qui, sans compétition, était devenu hégémonique. En conséquence, le pays est passé de l’ère de la « politique sans partis », à une ère politique dominée par un seul parti. A l’heure actuelle, la confusion permanente entre parti et état a permis à ce parti de dominer à la fois au plan national et local. Le patronage constitue l’un des moyens utilisés pour conserver la suprématie de ce parti : l’accès au pouvoir, aux postes et à l’argent sont clés pour la mobilisation politique, le recrutement et la rétention de membres et de supporters. En outre, l’armée, prenant la suite du National Resistance Army (NRA) qui avait servi au NRM dans la prise de pouvoir, rebaptisée Uganda Peoples Defence Forces (UPDF), joue un rôle pivot. Aujourd’hui, bien que la participation des militaires à la politique soit formellement interdite puisque l’armée est un organe de l’état, l’armée a conservé beaucoup de son influence au travers du rôle individuel d’officiers – à commencer par le Président Museveni lui-même – qui interviennent de manière informelle et souvent sous des prétextes douteux en politique. De plus, afin de réduire l’écart entre l’UPDF et d’autres agences de sécurité telles que la police, des efforts ont été réalisés pour y infiltrer des officiers de l’armée et ces derniers ont progressivement occupés les positions clés tant au niveau local que national.

Après son accession au pouvoir, abandonnant très vite sa fascination pour le dirigisme économique, le NRM a cherché à faire ses preuves dans une politique en faveur de l’entreprenariat, en adoptant les politiques libérales du FMI et des programmes d’ajustements structurels de la banque mondiale. L’ouverture aux investissements étrangers a suivi avec en particulier le rappel des hommes d’affaire d’origine asiatique expulsés par Idi Amin.

La combinaison de tous ces facteurs explique les taux de croissance élevés depuis vingt ans, bien que les transformations structurelles de l’économie demeurent illusoires. La récente découverte du pétrole et sa mise en exploitation prévue constituent un changement, mais il est peu probable que le gouvernement soit capable de se débarrasser de ses attributs néo-patrimoniaux et d’utiliser la richesse produite par le pétrole pour le bénéfice de l’ensemble de ses citoyens.