Ressources naturelles

Carte interactive : Les mutations du Turkana (Kenya)

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Parcourez la carte interactive dédiée au Turkana. Cette animation illustre les mutations que le Turkana va connaitre dans les prochaines années : valorisation des ressources pétrolières et en eau souterraine, construction de routes et d’oléoducs, mise en eau d’un barrage et exploitation de nouveaux périmètres irrigués en Ethiopie… En cliquant (menus en haut et à droite, ou sur les icones légendées), vous accèderez à un contenu enrichi (photos de site, imageries satellites, commentaires…). Cette animation a été réalisée par Geo4i, à partir de la note « Le Turkana : les mutations d’un territoire en marge » .

Le Turkana : les mutations d’un territoire en marge – Novembre 2014

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Le Turkana, comté du Nord-Ouest du Kenya, va connaitre dans les prochaines années de profondes mutations. Outre du pétrole en 2012, d’importantes réserves d’eau souterraine y ont été découvertes en 2013. De plus, l’environnement naturel et humain du lac Turkana, qui marque la limite Est du comté, est menacé par la valorisation énergétique et agricole en Éthiopie de son principal affluent, le fleuve Omo. Ainsi, à un horizon de cinq à six ans, de nombreuses infrastructures deviendront opérationnelles : forages pétroliers, oléoduc, périmètres irriguées, fermes éoliennes et géothermiques, et en Éthiopie, mise en eau du barrage de Gibe III début 2015 et culture de centaines de milliers d’hectares de plantes sucrières.

Ces nouvelles dynamiques d’intégration territoriale et de développement exacerberont les tensions existantes dans le Nord-Ouest du Kenya, et créeront de nouvelles causes et lieux de conflit.

  • Dans le Turkana, la valorisation des ressources du comté s’opérera essentiellement par des acteurs extérieurs au Turkana, kenyans ou étrangers, ce qui accroîtra le ressentiment des populations Turkana et les risques de violence qui en découle.
  • Les enjeux fonciers s’avèreront être une source majeure de tensions locales (phase de déposses­sion/expropriation, et risque de spéculation sur les terres).
  • Les transformations à venir dans les domaines de l’agriculture et l’accès à l’eau pour le bétail accentueront les risques d’affrontements (impacts sur le nombre d’animaux, sur les modes et parcours de transhumance, violences liées au vol de troupeau…).
  • La valorisation des eaux souterraines par des forages (irrigation, industrie pétro­lière) pourrait provoquer l’épuisement de puits traditionnels et créer une compéti­tion pour l’eau à différentes échelles.
  • Entre collectivités territoriales kenyanes, les dynamiques d’intégration spatiale seront elles-mêmes géné­ratrices de conflictualité. En effet, l’inégalité des nouvelles dynamiques économiques suscitera de profondes frustrations sociales et politiques. Les projets infrastructurels vont favoriser une intégration Est/Ouest (et non selon un axe Sud/Nord comme par le passé), ce qui créera de nouvelles zones périphériques, en marge de ce développement accéléré.
  • Les risques pour la stabilité régionale se confondent avec la stabilité à l’échelle locale. Les frontières politiques entre l’Éthiopie, le Soudan du Sud et le Kenya, elles-mêmes floues dans le triangle d’Ilemi, se superposent avec les frontières mou­vantes des espaces occupés par les communautés ethniques. Les occasions d’affrontement entre communautés de ces trois pays devraient être plus fréquentes. L’éventuelle présence (non attestée) de pétrole dans le triangle d’Ilemi contribue déjà à durcir les relations entre le Kenya et le Soudan du Sud, au détriment de ce dernier.
  • La relation entre l’Éthiopie et le Kenya ne devrait pas être affectée par les conséquences des aménagements agricoles et hydroélectriques sur l’Omo, tant l’enjeu énergétique est primordial pour les deux pays. Les pouvoirs publics kenyans feront cependant face à de nouvelles instabilités sociales liées à la précarisation aggravée des populations riveraines du lac Turkana.

Afrique de l’Est : une nouvelle frontière du pétrole et du gaz – Juin 2013

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L’Afrique de l’Est constitue un nouveau front pour le secteur des hydrocarbures. Les premières phases d’exploration ont souligné le potentiel important du Rift albertin aux confins de l’Ouganda, de la RDC et du Rwanda, une région qui a connu et connaît encore une forte instabilité politique. Le développement des réserves débute en Ouganda où la commercialisation est évoquée pour 2018.

Afin de caractériser cette nouvelle implantation, d’éclairer les opportunités et les contraintes d’un processus de mise en valeur, une perspective régionale à l’échelle de l’Afrique de l’Est ou de l’ « Afrique médiane », qui lui adjoint la région des Grands Lacs, suivant l’expression d’Yves Lacoste, est adoptée dans cet article. A l’échelle de la région, le Soudan est pionnier, puisque la production commerciale de pétrole a débuté en 1999. Depuis 2011, le Soudan du Sud a obtenu un statut indépendant et le contrôle des revenus liés à la production et au transport des hydrocarbures provoquent des crises à répétition avec le régime de Khartoum dont il s’est détaché. Plus au Sud, l’exploration bat son plein, mais la production de pétrole ou de gaz reste encore très limitée : Kenya, Tanzanie, Lac Tanganyika, littoral de l’Océan Indien. D’un point de vue géopolitique, à l’exemple du Lac Albert en Ouganda, la plupart de ces réserves d’hydrocarbures se situent dans les zones frontalières, suscitant des rivalités entre États dans la perspective de leur exploitation économique, créant un risque supplémentaire d’instabilité politique dans certains cas. La question des transports concernant les réserves enclavées se pose également, nécessitant des ententes entre États, dont la fédération est-africaine n’a pas encore pris pleinement la mesure.

Ces débuts d’une industrie des hydrocarbures dans l’Afrique médiane soulèvent des questions de gouvernance spécifiques : concernant la gestion de ce secteur et, également, plus généralement, concernant les systèmes politiques des pays concernés par cette nouvelle industrie dans leur ensemble. Ces régimes sont pour certains d’entre eux caractérisés de régimes « hybrides », autoritaires ou semi-autoritaires, avec forte personnalisation du pouvoir et présidentialisme. Il s’agit d’États pauvres mal armés pour se prémunir contre des accaparements de ressources, avec, en interne, peu de dispositifs assurant des contre-pouvoirs et ne présentant, sur un plan international, aucune garantie d’indépendance économique. Bien au contraire, cette nouvelle manne financière contribue à renforcer des logiques de pouvoirs non égalitaires et non démocratiques. Le cas de l’Ouganda est à cet égard illustratif de dérives possibles en dépit d’une mobilisation de l’opposition et d’organisations non gouvernementales. Le cadre juridique se met progressivement en place et pourrait servir d’exemple aux autres pays de la région. Cependant, le régime tente de centraliser au maximum la gestion du secteur pétrolier entre quelques mains à travers de nouvelles organisations de régulation qui lui seront inféodés.

Les nouvelles politiques internationales de contrôle de trafics de matières précieuses et leurs impacts sur les équilibres politiques et sociaux au niveau local – Novembre 2012

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La « première guerre mondiale africaine » a fait plus de cinq millions de victimes entre 1996 et 2004 sur le sol de la RDC, un pays de 60 millions d’habitants. Plus d’une vingtaine de groupes armés (troupes gouvernementales, groupes rebelles et milices locales) ont financé leur effort de guerre grâce à la richesse du sous-sol congolais. Les « minerais de conflits », le tantale, l’étain, le tungstène et l’or, auraient contribué jusqu’à $225 millions au trésor de guerre de différents groupes armés en 2008.

Les minerais sont extraits d’environ 200 sites miniers à l’est du pays, dont la moitié serait contrôlée par des groupes armés. Ils sont acheminés vers les pays voisins, Ouganda, Burundi et Rwanda, puis expédiés par les ports de Mombasa et Dar-es-Salam vers des fonderies principalement asiatiques. Une fois affinés, ils sont vendus aux producteurs mondiaux de composants électroniques, à l’industrie automobile et aéronautique, et aux grands joaillers.

La RDC, dont les mines ne sont pas industrialisées, compte environ un million de creuseurs artisanaux, travaillant à la main dans des puits rarement étayés. Les sites sont difficiles d’accès et faiblement supervisés par une administration impuissante et corrompue, facilitant leur contrôle par des groupes armés. Depuis la fin officielle du conflit en 2004, ni les offensives de l’armée congolaise (FARDC) et rwandaise contre des groupes rebelles, ni les efforts d’intégration de milices dans les troupes régulières, ni le processus de « régimentation » des FARDC en caserne n’ont véritablement diminué l’emprise des groupes armés sur les mines et routes de transport les plus rentables. Certaines brigades des FARDC ont simplement repris les affaires des rebelles en déroute. Des milices, dont le CNDP de Bosco Ntaganda, recherché par la C.P.I., continuent le trafic malgré leur intégration officielle dans l’armée.

Le Groupe d’experts sur la RDC, nommé par le Conseil de sécurité, a défini en 2010 des lignes directrices sur le devoir de diligence à l’attention des sociétés achetant ou traitant des minerais provenant du Congo. Inspirées par le Processus de Kimberley de certification des diamants, les lignes directrices ont entrainé la rédaction du Guide OCDE sur les chaines d’approvisionnement responsables de minerais provenant de zones de conflit. Le Guide requière l’appréciation et la mitigation des risques de conflits ou d’implication de groupes armés sur la mine d’origine, et le déploiement d’un système étanche de traçabilité des minerais du point d’extraction au point d’export. Le Guide a été mis en œuvre par plus de 80 sociétés. Les normes volontaires et règlementaires ont été multipliées depuis 10 ans. Le système « Certified Trading Chain » certifie les pratiques sociales, environnementales et sécuritaires des mines. L’ITRI Tin Supply Chain Initiative (ITSCI) constitue un processus de traçabilité des minerais, dont les sacs sont scellés et enregistrés à différentes étapes de la chaines d’approvisionnement. Le programme « Conflict Free Smelter » établit un référentiel d’audit visant à garantir que les fonderies ne traitent pas de minerais dont la provenance n’est pas certifiée comme « exempte de conflit ». La loi américaine Dodd-Frank exige depuis juillet 2011 des sociétés présentes aux Etats-Unis la publication de leurs mesures de vérification. Mais ses modalités d’application font encore l’objet d’intenses controverses. Une autre demi-douzaine d’initiatives ajoute à la confusion, n’étant pour l’instant pas articulés entre elles.

Nombre de ces mécanismes sont en vigueur depuis 2010. Mais peu d’entreprises en RDC les ont mis en œuvre, malgré leur adoption par plusieurs gouvernements et la CIRGL. Ces nouvelles exigences de transparence, ainsi que l’interdiction de toute activité minière à l’est du pays décrétée par Kinshasa entre septembre 2010 et mars 2011, ont provoqué une recrudescence des trafics vers les pays frontaliers. Le Rwanda voisin a, lui, imposé à son secteur privé certaines de ces initiatives. Mais ses statistiques d’exportation indiquent que des volumes importants de minerais congolais y sont écoulés.

Pour autant, les experts de l’ONU estiment que le financement des groupes armés par le trafic de minerais a diminué depuis l’élaboration des lignes directrices. Mais cela semble dû au fait que les acheteurs soucieux de la provenance de leurs minerais ont jusqu’ici préféré s’adresser à de nouveaux fournisseurs, notamment au Katanga.

De multiples normes sont maintenant déployées. Mais leur application reste tributaire du renforcement de la gouvernance des administrations de la région, et de la coordination entre gouvernements des Grands Lacs.

Les enjeux et effets induits attendus des grands investissements énergétiques – projets hydroélectriques dans l’Afrique des Grands Lacs – Novembre 2012

Naute Dam

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L’augmentation de la capacité de production hydroélectrique dans une aire allant de la RDC à l’Éthiopie, et l’interconnexion des grands réseaux électriques régionaux en Afrique, suscitent un engouement infrastructurel sans précédent qui s’exprime en dizaines de milliards de dollars d’investissement dans la prochaine décennie.

A l’ouest de l’Eastern Africa Power Pool (EAPP) l’immense potentiel hydroélectrique de la RDC motive l’élaboration d’interconnexions des réseaux vers l’ouest, le centre et le sud de l’Afrique. A l’est de l’EAPP, l’intégration des réseaux devrait permettre l’interconnecter les pays situés entre l’Égypte et l’Afrique du Sud dans la prochaine décennie.

La grande infrastructure (barrages, lignes électriques longue distance et intercon­nexion des réseaux) est un instrument qui favorise la coopération interétatique. Mais elle renforce également une dynamique de morcellement de l’Afrique des Grands Lacs en sous-blocs régionaux, l’intégration des réseaux électriques ne coïncidant pas avec les coopérations et intégrations régionales existantes.

Si elle ne peut pas être isolément un facteur d’éclatement de la RDC, l’intégration par les réseaux électriques renforce les conséquences territoriales d’une dynamique économique centrifuge déjà à l’œuvre en RDC, qui s’ajoute au mouvement de décentralisation.

Les projets hydroélectriques et les lignes à haute tension qui y sont rattachées devraient surtout être destinés à l’exportation d’électricité vers des pays où la demande est plus solvable, au nord et au sud de l’Afrique. La part de l’électricité dévolue à la      consommation domestique dans la production des grandes installations hydroélec­triques à venir sera limitée.

Cet engouement infrastructurel ne peut masquer des questions de fond relatives à l’endettement de ces États, aux conséquences de ces investissements lourds sur le prix de l’électricité, et à la pertinence d’un modèle de développement dans cette zone fondé sur des Partenariats Publics Privés (PPP) de très longue durée, entre 30 et 40 ans.

La part de l’hydroélectricité dans le bouquet (ou mix) énergétique des pays des Grands Lacs (hors mis le Kenya) va s’accentuer dans les prochaines années. L’accroissement de la dépendance à cette énergie primaire expose davantage ces pays à des incertitudes relatives au changement climatique, à l’évolution comparative des prix de l’hydroélec­tricité et des hydrocarbures, et à des risques de gouvernance.