La Tanzanie face au repositionnement économique de la Communauté est-africaine (East African Community) – Septembre 2014

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Depuis sa réactivation dans les années 1990, l’East African Community (EAC) s’est fortement inspirée du modèle établi par l’Union européenne pour développer sa stratégie régionale. Le commerce intra-régional a ainsi pu augmenter grâce à la mise en place de l’union douanière en 2005). Il faut cependant reconnaître que les différents traités peinent à s’appliquer. Cela révèle à la fois une méfiance vis-à-vis des marchés mais aussi la volonté, de la part des États membres, de préserver leur souveraineté. Le maintien de stratégies discriminatoires envers les pays tiers situe alors le modèle de l’EAC entre le modèle européen et le régime régional. Le développement de la communauté est désormais ralenti, s’inscrivant dans un processus plus long, notamment depuis que cette coopération régionale n’est plus considérée comme égalitaire par certains des membres.

Ce ralentissement dans la construction de la communauté est-africaine a conduit un certain nombre d’États membres à s’engager dans une « coalition des volontaires » afin de poursuivre cette intégration à un rythme soutenu. Le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda, tous membres de l’EAC, se sont ainsi réunis lors des sommets du « Nothern corridor integration projects», au cours duquel de nombreuses mesures régionales ont été adoptées en collaboration avec le Soudan du sud et de l’Éthiopie. Ces sommets ont exclu de fait les deux autres membres de l’EAC que sont la Tanzanie et le Burundi. La différence de point de vue stratégique, en vue de se moderniser pour intégrer une économie mondiale en mutation et construire une stratégie énergétique basée sur le pétrole et le partage de l’électricité, a accéléré la fracture au sein des membres historiques de la communauté.

Bien que critique vis-à-vis de cette alliance entre pays du nord de l’EAC, la Tanzanie semble s’accommoder d’être éloignée d’un processus d’approfondissement qu’elle a rarement soutenu dans la pratique. Pour intégrer les chaînes de valeur mondiale, le pays a en effet décidé de privilégier une nouvelle stratégie basée sur l’exploitation de son potentiel gazier, situé au sud-est du pays, et une ouverture à la fois vers la zone asiatique ainsi que vers la Southern African Development Community (SADC). En s’appuyant sur son partenariat avec la Chine, la Tanzanie vise à devenir le premier hub de la sous-région, devant un Kenya empêtré dans d’importantes problématiques sécuritaires liées notamment à la situation en Somalie.

Même si ce repositionnement stratégique de la Tanzanie laisse entrevoir un moindre investissement de cette dernière au sein de l’EAC, il semble cependant illusoire de croire à une rupture totale. Tout d’abord, si le potentiel gazier est sans commune mesure avec les ressources du Kenya ou même de l’Ouganda, les investissements attendus pour ce secteur sont extrêmement lourds. En outre, le pays n’aura pas éliminé son retard en termes de productivité de la main d’œuvre, il lui sera donc compliqué d’intégrer les chaînes de valeur mondiale avec une forte valeur ajoutée produite localement. De plus, la forte progression des échanges intra-EAC montre, au contraire, que les liens restent majeurs entre les acteurs de la sous-région. Á la condition du respect des contrats et d’une harmonisation des taxes, la montée en valeur semble plus indiquée au sein même d’un marché régional ; marché qui est d’ailleurs amené à s’accroître avec le projet de création d’une zone de libre-échange entre l’EAC, la SADC et le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA).