Il y a 27 ans, à la tête du Mouvement national de la résistance (NRM), le Président Yoweri Museveni a pris le pouvoir en Ouganda, renversant le gouvernement Obote après un combat de cinq ans (1981-1986). Le premier gouvernement Obote avait pris fin suite au coup d’état militaire du Général Idi Amin Dada en 1971. En 1980, Obote était revenu au pouvoir au travers d’élections que Museveni et ses alliés considéraient comme frauduleuses. Dans ce contexte, le NRM est arrivé au pouvoir en promettant un nouveau commencement, un complet revirement par rapport à la politique de sectarisme et d’exclusion, à la fraude électorale et à la manipulation d’un public ignorant des manœuvres de politiciens servant leurs propres intérêts. Le choix d’une politique inclusive s’est manifesté dans la décision de suspendre les partis politiques responsables de divisions et d’introduire l’idée de « politique sans partis », en invitant les membres d’organisations politiques rivales à participer au gouvernement. Par ce biais, durant les dix premières années du gouvernement Museveni, ce dernier parvint à unifier la plupart des régions du pays sur la base d’un vaste programme socio-économique de reconstruction. Bien que les revendications concernant le retour au multipartisme débutèrent mi-1990 et s’intensifièrent à la fin de la décennie, il fallut 20 ans pour briser le monopole de facto et de jure du NRM, au moins sur le plan juridique, grâce à la combinaison de pressions internes et externes. La décision de réintroduire les partis politiques fut prise au même moment que des manœuvres furent entreprises pour rendre la durée du mandat présidentiel illimité afin de permettre au Président Museveni de continuer à se présenter aux élections.
L’aboutissement de ces 20 années de suspension du multipartisme fut d’affaiblir les partis. Ainsi, lorsque les restrictions sur leurs activités furent levées en 2005, ces derniers n’étaient pas en mesure de concourir à égalité avec le NRM qui, sans compétition, était devenu hégémonique. En conséquence, le pays est passé de l’ère de la « politique sans partis », à une ère politique dominée par un seul parti. A l’heure actuelle, la confusion permanente entre parti et état a permis à ce parti de dominer à la fois au plan national et local. Le patronage constitue l’un des moyens utilisés pour conserver la suprématie de ce parti : l’accès au pouvoir, aux postes et à l’argent sont clés pour la mobilisation politique, le recrutement et la rétention de membres et de supporters. En outre, l’armée, prenant la suite du National Resistance Army (NRA) qui avait servi au NRM dans la prise de pouvoir, rebaptisée Uganda Peoples Defence Forces (UPDF), joue un rôle pivot. Aujourd’hui, bien que la participation des militaires à la politique soit formellement interdite puisque l’armée est un organe de l’état, l’armée a conservé beaucoup de son influence au travers du rôle individuel d’officiers – à commencer par le Président Museveni lui-même – qui interviennent de manière informelle et souvent sous des prétextes douteux en politique. De plus, afin de réduire l’écart entre l’UPDF et d’autres agences de sécurité telles que la police, des efforts ont été réalisés pour y infiltrer des officiers de l’armée et ces derniers ont progressivement occupés les positions clés tant au niveau local que national.
Après son accession au pouvoir, abandonnant très vite sa fascination pour le dirigisme économique, le NRM a cherché à faire ses preuves dans une politique en faveur de l’entreprenariat, en adoptant les politiques libérales du FMI et des programmes d’ajustements structurels de la banque mondiale. L’ouverture aux investissements étrangers a suivi avec en particulier le rappel des hommes d’affaire d’origine asiatique expulsés par Idi Amin.
La combinaison de tous ces facteurs explique les taux de croissance élevés depuis vingt ans, bien que les transformations structurelles de l’économie demeurent illusoires. La récente découverte du pétrole et sa mise en exploitation prévue constituent un changement, mais il est peu probable que le gouvernement soit capable de se débarrasser de ses attributs néo-patrimoniaux et d’utiliser la richesse produite par le pétrole pour le bénéfice de l’ensemble de ses citoyens.